À l’heure où les signes d’accélération du réchauffement climatique, de la réduction de la biodiversité et de la diminution des ressources se multiplient, la transition écologique s’impose comme un enjeu sociétal. Même si cet état de fait va bien au-delà de la question immobilière et implique l’ensemble des activités économiques, la transformation de notre secteur, considéré comme l’un des plus énergivores, doit mobiliser tous ses acteurs pour repenser leurs pratiques et rechercher de nouveaux modèles. L’économie circulaire, l’innovation et la réintégration de la nature en zone urbaine dessinent, selon moi, ce que pourraient être les règles du jeu de demain.
Inclure l’immeuble dans une logique d’économie circulaire
L’économie circulaire appliquée à l’immobilier pourrait s’imposer comme un catalyseur puissant du changement. La clé de ce modèle repose sur la conception de bâtiments résilients et durables, en considérant l’ensemble des phases de l’existence du projet, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à sa déconstruction en passant bien entendu par sa gestion quotidienne. Inclure l’immeuble dans une logique d’économie circulaire, c’est repenser son cycle de vie, considérer son évolutivité et prévenir son obsolescence avant même sa construction. Face au phénomène de densité urbaine, nous ne pouvons plus envisager l’acte de construire sans nous interroger sur ses conséquences sociétales et environnementales. En tant que promoteur, nous devons concevoir des bâtiments évolutifs, flexibles et réversibles.
De plus en plus prisée par les professionnels du secteur et par les villes, la mixité fonctionnelle est considérée comme une piste prometteuse pour optimiser l’utilisation d’un immeuble et accroître sa longévité. À la fois lieu de travail, de restauration ou de divertissement, l’immeuble de bureau devient polymorphe, en mutualisant les espaces et en s’ouvrant sur l’extérieur. Concevoir des bâtiments dotés d’usages diversifiés favorise les enjeux d’intégration urbaine mais également environnementaux en réduisant les déplacements des citadins et en freinant l’étalement urbain.
La durabilité d’un bâtiment passe également par sa réversibilité. Anticiper le risque de vacance ou d’obsolescence, tel est l’objectif des bâtiments réversibles, pensés structurellement pour avoir plusieurs usages successifs (bureaux, logements, activités…) à court ou moyen terme sans avoir besoin d’intervenir sur le gros œuvre. Selon moi, le propre de la résilience d’un immeuble réside dans la capacité à le transformer au gré des usages.
Adhérer au modèle circulaire implique également de privilégier des matériaux biodégradables, réutilisables ou recyclables. À titre d’exemple, le bois se présente comme un allié de choix pour réduire les gaz à effet de serre. Véritable piège à carbone, ce matériau, reconnu pour ses qualités isolantes, permet de réduire de façon significative la facture énergétique d’un immeuble. Chez BNP Paribas Real Estate, nous développons plusieurs projets de construction bas carbone en bois comme le programme mixte Ville Multistrate en couverture du boulevard périphérique à Paris, l’immeuble tertiaire Curve programme mixte Ville Multistrates en couverture du boulevard périphérique à Paris, l’immeuble tertiaire Curve à Saint-Denis ou le campus Arboretum à Nanterre. Ce dernier, conçu en co-promotion avec Woodeum Développement, vise à transformer une friche industrielle en un campus tertiaire de 126 000 m² en bois massif. L’utilisation de matériaux bio-sourcés, la conception bioclimatique, la production des énergies renouvelables (photovoltaïque et géothermique) feront du site un véritable modèle de sobriété énergétique. Sa structure en bois qui stocke 24 000 tonnes de co₂ permet de couvrir sur vingt huit ans les émissions de carbone de l’immeuble et de ses occupants.
Capitaliser sur l’innovation en termes d’efficience énergétique
Transition écologique, révolution numérique, nouveaux usages des espaces de travail… l’immobilier entre dans une phase de mutation profonde. La convergence de ces trois phénomènes s’annonce comme une force transformatrice qui impulse une nouvelle dynamique dans notre métier. Ces nouveaux enjeux nous incitent à réinventer le bâtiment, à y injecter toujours plus d’intelligence au service d’un avenir plus durable. Nous devons capitaliser sur l’innovation pour concevoir des immeubles de plus en plus smart en termes d’efficience énergétique, capables de mesurer et de maîtriser leurs consommations d’énergie grâce notamment à l’intégration d’objets connectés, de capteurs et de logiciels performants. La data qui en résulte est ensuite collectée, croisée, traduite et contextualisée pour définir une stratégie en termes de services à développer et de solutions pour optimiser les consommations énergétiques.
Autre technologie qui s’est imposée dans le secteur ces dernières années, le BIM (Building Information Modeling) se révèle comme une solution pour réduire l’impact environnemental d’un immeuble. Dès la phase de conception du projet, cette plateforme de modélisation des informations du bâtiment offre, à l’ensemble des acteurs impliqués, les outils nécessaires pour planifier, concevoir, construire et gérer plus efficacement le bien immobilier. Parmi ses atouts majeurs, le BIM permet de diminuer la durée d’un chantier et d’en réduire son empreinte écologique. Il offre l’opportunité de réaliser des simulations énergétiques et d’envisager plusieurs scénarios afin de prendre les décisions les plus éclairées en termes d’éco-performance. Il présente également l’avantage de stocker les données clés de l’immeuble, source d’information précieuse pour disposer d’une meilleure traçabilité de chaque composant et déterminer avec plus d’efficacité d’éventuels travaux de rénovation.
Intégrer la nature dans l’immeuble et s’en inspirer
Dans son processus de construction, la ville a progressivement délaissé la nature au profit d’un univers de plus en plus minéralisé. Allier la nature à la ville relève à mon sens à la fois de la responsabilité des autorités locales et des acteurs privés. Ensemble, nous devons développer davantage de synergies pour concevoir des infrastructures en symbiose avec leur environnement et assurer ainsi l’équilibre des territoires. Intégrer la nature de façon systématique dans nos immeubles, c’est apporter des solutions concrètes à la transition énergétique en optimisant notamment la biodiversité, en réduisant les îlots de chaleur, en participant à la rétention des eaux pluviales et à la régulation de la température ambiante. Je suis convaincu que la réintroduction de la végétalisation dans un bâtiment favorise également le bien-être et la santé de ses usagers. Enfin, miser sur un immeuble qui conjugue performances énergétiques, attractivité et confort des utilisateurs est un argument décisif auprès des investisseurs.
Parmi les concepts qui suscitent l’enthousiasme des villes et des entreprises, l’agriculture urbaine investit de plus en plus les terrasses et les toits des immeubles. En témoigne l’appel à projets Les Parisculteurs, lancé par la ville de Paris avec pour objectif cent hectares de bâti végétalisé en 2020, dont un tiers d’agriculture urbaine. Chez BNP Paribas Real Estate, nous faisons partie des précurseurs à avoir misé sur ce concept. Au travers du projet Ville Multistrate, lauréat du concours Réinventer Paris, nous travaillons sur la réalisation d’un paysage pont au-dessus du périphérique alliant agriculture urbaine et constructions bois. Cet immeuble multi-strate, dont la livraison est prévue en 2023, se matérialisera par un jardin extraordinaire où se côtoieront des cultures maraîchères, florales et fruitières. Une plantation de thé expérimentale et d’aromates diversifiés sera également prévue. Le parc du campus Arboretum de Nanterre, évoqué précédemment, illustre également cette tendance. Un verger et un potager feront la part belle à l’agriculture urbaine en produisant vingt cinq tonnes de fruits et légumes bio par an consommées sur place, en circuit court. Le compost sera fabriqué localement à partir des déchets organiques des restaurants et utilisé pour les cultures. Avec plus de six cents arbres plantés, ce campus, en harmonie totale avec la nature, envisage le lieu de travail comme un support d’expériences, créateur de valeurs au service du bien-être de ses utilisateurs.
L’ingéniosité de la nature, l’économie circulaire ou l’apport des nouvelles technologies sont autant de sources d’inspiration innovantes pour réinventer nos immeubles et penser la ville de demain. En tant que professionnels de l’immobilier, nous avons une véritable responsabilité pour répondre au défi de la transition écologique et se projeter dans un avenir durable pour le grand nombre.
Thomas Charvet, directeur Général de BNP Paribas Immobilier Promotion Immobilier d’Entreprise